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LA FRANCE VIT ENCORE A L’HEURE ALLEMANDE A CAUSE DE LA SNCF

Lors de l’invasion allemande en 1940, la France a avancé sa montre d’une heure pour s’aligner sur l’Allemagne à la demande de… la SNCF !
Cette décision n’a jamais été annulée, tous les ans à la même période, la France recule ses montres d’une heure : à 3H00 du matin, il est 2H00.
Ce changement est devenu une habitude ; pourtant, si l’on voulait vraiment vivre calés sur le soleil, on retarderait son horloge non pas d’une mais de deux heures.
S’il nous arrive de traverser la Manche, nous voyons que le fuseau horaire de la France est UTC+1. Ce qui veut dire, en langage normal, qu’il est une heure plus tard en France qu’en Angleterre, l’heure de Londres étant désignée comme l’heure universelle — en langage technique, ça donne UTC (temps universel coordonné) ou GMT (temps moyen de Greenwich).
Pourtant, Paris et Londres ne sont séparés que de deux degrés de longitude et le méridien de Greenwich, qui coupe l’Angleterre, traverse aussi l’ouest de la France !
Or, ce décalage horaire n’a pas toujours existé: avant l’Occupation, la France et l’Angleterre étaient à la même heure.
L’Allemagne nazie occupe la France en juin 1940, nous sommes alors à l’heure d’été (GMT+1), en vigueur en France entre mars et octobre depuis 1923 —le reste de l’année, la France est à GMT.
Sauf qu’à Berlin, il est une heure plus tard et que les Allemands qui arrivent en France ne comptent pas bouleverser leurs habitudes: La première chose qu’ils font, dans la première demi-journée, c’est de changer l’heure.
Dans tous les territoires occupés, on avance donc ses aiguilles d’une heure (de GMT+1 à GMT+2), pour passer à l’heure d’été allemande (outre-Rhin, on change aussi d’heure deux fois par an).
La France se retrouve donc «à l’heure allemande», expression qui rentrera dans le langage courant au point de fournir le titre du premier roman de l’écrivain et futur critique de cinéma Jean-Louis Bory, Mon village à l’heure allemande, prix Goncourt 1945.
Dans un ouvrage de la Bibliothèque de l’Ecole Nationale des Chartes publié en 1999, Yvonne Poulle, conservateur honoraire aux Archives nationales, rapporte les impressions d’un soldat français fait prisonnier par les Allemands :
«Le couvre-feu sonne à dix heures du soir, il fait encore très clair, puisque c’est l’heure allemande, à laquelle nous avons mis nos montres dès notre arrivée, et qu’elle avance d’une heure sur notre ancienne heure d’été. Voici les jours les plus longs de l’année.»
Au début de l’Occupation, la France se retrouve donc scindée en deux par la ligne de démarcation, mais aussi par le décalage horaire: Paris a une heure d’avance sur Vichy. Ce qui pose quelques problèmes à la SNCF, comme l’explique Yvonne Poulle :
«[…] les trains venant de la zone non-occupée continuent de circuler avec une heure de retard dans la zone occupée, les trains venant de la zone occupée continuent d’attendre une heure supplémentaire à la ligne de démarcation, tout cela bien entendu bouleversant les correspondances.»
Pour mettre fin aux problèmes de retard, c’est donc la SNCF qui propose au gouvernement de Vichy de s’aligner sur l’heure allemande !
Un décret du 16 février 1941 avance l’heure légale de deux heures dans les territoires non-occupés, d’une heure dans les territoires occupés. En termes alphanumériques, cela veut dire que l’ensemble de la France passe à GMT+2. L’alternance entre les heures allemandes d’hiver et d’été continue ensuite pendant toute la durée de la guerre.
A la Libération, un décret prévoit que l’heure d’été, ou «heure allemande», ou GMT+2, va être supprimée en deux temps. La France repasse d’abord à GMT +1 toute l’année, et envisage de repasser plus tard à GMT. Mais un deuxième décret annule cette étape, pour des raisons que nous ignorons.

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